du 09/09 au 31/10/2009
Clotilde Olyff – Nathalie Doyen – Marie-Line Debliquy – Léon Wuidar – Cyril Bihain – André Goldberg
Signe graphique hautement porteur de sens, composition plastique universelle saisie de tous, jeu subtil de droites et de courbes, alternance savante de pleins et de déliés, la lettre – celle que nous ont laissée les lointains Phéniciens, Grecs et Romains – n’a jamais cessé de fasciner les artistes, qu’ils soient professionnels de l’architecture du texte – les typographes -, qu’ils soient plus généralement plasticiens – peintres, dessinateurs, graveurs, sculpteurs mais aussi, aujourd’hui, vidéastes ou installateurs.
La séduction de ces graphèmes venus du fin fond de l’Antiquité – vingt-six signes chez nous déclinés désormais par tout un chacun comme une litanie chargée d’évidence – continue donc d’opérer dans le contexte de l’art contemporain.
Héritiers des Mallarmé, Apollinaire, Marinetti, Dotremont ou Isou, bien des créateurs d’aujourd’hui intègrent la lettre dans leur travail, parfois même selon une organisation rappelant – de manière très concrète ou selon des processus imaginaires fort complexes – les abécédaires de jadis, c’est-à-dire cette méthode formaliste, héritée des anciens discours pédagogiques ou des vieilles recettes éducatives, consistant à présenter, à des fins d’instruction, une suite ornée, enluminée, commentée et souvent mnémotechnique des vingt-six lettres de notre alphabet occidental.
« Détour » a précisément réuni aujourd’hui six artistes contemporains ayant intégré – de près ou de loin – l’abécédaire au sein de leur oeuvre. En fonction de ses choix esthétiques ou de ses préférences technologiques, chaque artiste invité propose une création où la lettre est tantôt présentée en tant que telle selon des recherches matérielles très particulières, tantôt perçue comme un point de départ pour des métaphores et des allusions introduisant dans un monde de recherches purement formelles ou de considérations d’allure philosophique.
Ainsi, Clotilde Olyff a choisi de montrer des abécédaires réalisés au départ d’éléments naturels trouvé sur une plage landaise (galets, morceaux de bois, petites épaves et déchets marins) tandis que Nathalie Doyen et Marie-Line Debliquy se sont ingéniées, au départ de signes quotidiens transformés et réinventés, à élaborer un univers plastique évoquant une écriture nouvelle faite de signes d’une cohérence toute personnelle. Léon Wuidar, quant à lui, s’est imposé comme règle de jeu de composer des motifs graphiques dont le nom, ou la qualité, commence par la même lettre (pour la lettre « P », par exemple, des pois ou des points).
Publié en 2006 par les Editions Tandem, le petit livre de format carré proposé par Cyril Bihain comporte vingt-six pages consacrées chacune à une lettre de l’alphabet latin dessinée de manière particulièrement minimale grâce à des impressions à l’encre rouge réalisées à l’aide du pouce. Jumelant vidéo et abécédaire, André Goldberg a rassemblé en une sorte de médiathèque conceptuelle composée de multiples DVD un ensemble de réflexions méthodiquement glanées auprès de spécialistes à propos de problèmes de société évoqués par divers mots commençant chacun par une des différentes lettres de l’alphabet (par exemple Engagement, Jalousie, Mémoire, Politique, Résistance, Virus…).
Voilà donc six chemins bien originaux pour une réinterprétation des signes, six voies très personnelles pour une nouvelle exploration des lettres, six abécédaires inattendus pour un bel épisode de l’art contemporain.
Pierre-Jean Foulon
Photos du vernissage