du 25/10 au 25/11/06
Orphée et anges des saisons Pastels – pigments – encres
Pour Vasso Tseka, le mystère d’un tableau réside essentiellement dans sa technique. Ses dessins vibrent d’une énergie polyphonique qui dématérialise autant les formes qu’elle ne les évoque par contours allusifs. Cette saisie simultanée du transitoire et de l’immuable rappelle quelquefois la qualité méditative de l’art oriental. Qu’ils soient terriens ou aériens, ses peintures ou dessins parlent de la nature et de sa contemplation. Les coups de pinceau ou les traits du feutre sont autant de notes de musique qui scandent en rythme l’espace. Il y a des temps de silence qui peuvent ainsi succéder à des graphies nettement plus sonores.
L’artiste se qualifie volontiers de peintre abstrait, mais avec des idées concrètes. Sa démarche n’est rien de moins que l’antique quête de la Beauté. La série consacrée au mythe de la Genèse est un travail axé essentiellement sur la lumière. Basé sur un jeu d’oppositions géométriques et d’ombres, il convie notre regard aux développements plastiques des mystères de la clarté. Avec Orphée c’est l’inverse, il est cette fois question d’une subtile réflexion sur les valeurs tonales du sombre. Ces petits pastels ténébreux sont aussi un hommage à l’inspiration poétique. Le foncé commande le rythme de la composition à l’exemple d’une partition musicale. Avec sa suite consacrée aux quatre saisons, le temps est considéré comme fragment du monde à jamais fixé. L’art n’est alors rien de moins qu’une trace qui défie le cours des choses.
Les dessins au feutre intitulés Les Anges sont encore une autre aventure. Nos mythes ont longtemps révéré la qualité médiatrice de ces êtres célestes. S’ils oublient les références religieuses, allégoriques ou figuratives, les dessins de Vasso Tseka n’omettent pas le caractère intercesseur des figures angéliques. Ces messagers du ciel sont pour l’artiste prétexte au ravissement d’un univers où l’évanescence du temps côtoie musicalement la nature. Le dessin au feutre ne permet pas le repentir, chaque trait est un défi qui fixe l’instant dans sa fugacité.
Une collaboration fructueuse avec le critique Hugo Brutin a donné naissance aux livres Rencontres et Verlangen. Il est troublant de constater combien les textes du poète sont à l’écoute des œuvres de Vasso. L’auteur nous convie à suivre des ombres fugaces tapies dans des nids de verdure en compagnie de feuilles baignées d’une lumière chamanique. Le livre Séquences d’une nuit d’été est né d’une heureuse rencontre avec Pierre-Yves Soucy. On trouve ici des références aux mythes grecs ou aux contes de fées, mais le rapport du texte aux images reste abstrait et nous invite à mille rêveries. Selon Vasso, les anges sont des sensations, des situations favorables. Ce qui compte dans son art, c’est la suggestion, l’allusion. Il faut donc toujours plusieurs lectures pour résister au temps. Comme le disait Paul Klee, voici une belle occasion non pas de rendre le visible mais plus simplement de rendre visible.
Olivier Duquenne