Dans l’une de ses plus récentes séries, Pauline Tonglet fait usage de points en zig-zag dont elle laisse l’excédent de fils dépasser, comme pour souligner davantage le procédé de construction de l’image. Les papiers et photographies chinés rappellent par leur graphisme et leurs couleurs éclatantes l’époque radieuse qui suivit la Seconde Guerre mondiale, avec son lot d’innovations importées des États-Unis, ce que semble confirmer l’apparition de poste de télévision, de voitures et de paysages pittoresques dans plusieurs compositions. D’autres thèmes relatifs à la consommation et à l’esthétique publicitaire nous renvoient davantage au rôle social de la femme, gardienne de la maison ou au contraire à son émancipation, comme le laissent présager les nombreuses stars à paillettes.
Qu’il s’agisse de matière première ou recyclée, le papier a la particularité de conserver dans ses fibres quelque chose d’organique et c’est sans doute ce qui le rend aussi attrayant aux yeux des artistes qui, des cubistes aux surréalistes en passant par dada, ont exercé l’art du collage comme l’expression même de la vie, à la fois intime et publique. Dans le travail de Pauline Tonglet, le collage revêt une dimension personnelle très sensible, proche du biographique. Le montage devient un acte de détournement, une manière de faire voir autrement. C’est dans la subtilité de ces agencements et dans leurs assemblages, laissés délibérément apparents à l’attention du spectateur, que résident l’intérêt et la cohérence de la démarche de l’artiste.
Le flou est autant un résultat du processus (l’impression sur de vieux papiers peut donner un aspect « poché ») que l’évocation, voire la quasi-matérialisation du flou qui recouvre les souvenirs avec le temps qui passe. Malgré la multiplication des images, des écrits et des captations de toutes sortes, le présent, dès qu’il n’est plus et sombre dans le passé, devient insaisissable dans sa totalité et irrécupérable. S’installe alors une nostalgie pour ce qui n’est plus – nostalgie qui est dans ce cas-ci une construction puisqu’il s’agit du passé d’autrui, devenu collectif et non d’un passé individuel. On ne peut récupérer ce qui ne nous appartient pas. On ne peut regretter – en toute connaissance de cause – ce qu’on n’a pas vécu.
Septembre Tiberghien, crtique d’art
Site internet : https://paulinetonglet.com/